Nous devons tous tenir face au massacre de la population par le gouvernement

Narges Mohammadi, avocate et défenseur des droits de l’homme est actuellement détenu dans le pavillon pour femmes de la prison d’Evin.
Voici le texte intégral de sa lettre ouverte faisant état du sort que subissent les personnes arrêtées lors des récentes manifestations :
Le gouvernement est responsable du massacre brutal de la population et de la violence, nous devons tous tenir face au massacre de la population par le gouvernement.
Un jeune homme blessé par balle et tout pâle est assis sur une chaise de l’infirmerie de la prison d’Evin. Son apparence témoigne d’un saignement important, d’une infection et d’un gonflement inimaginable de sa jambe qui l’ont quasiment achevé au point que les gardiens de la prison d’Evin aient décidé de l’emmener de l’isolement à l’infirmerie. C’est un jeune homme originaire de la ville d’Islamshahr. Un jeune homme de la même couche sociale que la République Islamique était censé servir. Quand nous lui avons dit d’insister pour que sa jambe soit traitée, sinon il serait amputé, il m’a répondu: « Je vais être exécuté, alors avec ou sans jambe, quelle est la différence. Depuis le jour de mon arrestation, ils n’ont même pas versé de Bétadine sur ma plaie. »
Une jeune fille de 20 ans a été transférée de la prison de Vozara à l’unité pour femmes. Ses yeux montrent l’intensité de son anxiété. Elle a été arrêtée alors qu’elle était sortie de sa voiture et s’était dirigée vers les personnes qui s’étaient rassemblées contre l’augmentation du prix de l’essence. Au cours de l’interrogatoire, ou plutôt la séance d’aveux forcés, l’homme qui l’interrogeait l’avait attrapé par ses cheveux et lui avait tiré les cheveux en lui infligeant de viles insultes qu’elle ne pouvait répéter. Puis il avait retiré la ceinture qu’il avait autour de sa taille et avait frappé contre le bureau et la chaise pour faire peur à la jeune fille et lui faire dire face à la caméra ce qu’il voulait, pas une seule fois mais plusieurs fois. Puis elle qui, comme en grand nombre de sa génération, n’avait pas pu poursuivre les études universitaires et avait été obligée de travailler, a été transféré à la prison de Qarchak pour se retrouver parmi les personnes condamnées pour meurtre et drogue.
Des centaines de nos chers compatriotes ont été abattus par les tirs directs des agents du gouvernement. Leurs mères et leurs pères ont été écrasés sous le poids du deuil et leurs maisons décorés le drapeau noir. Les victimes de la tyrannie ont été ramenées à l’autel une nouvelle fois. Un peuple ravagé par la pauvreté, la discrimination et la tyrannie s’est soulevé pour faire entendre sa souffrance et sa colère aux responsables mais dont le cri, au lieu d’être entendu a été mitraillé par les balles
Dans la série de récentes manifestations, indépendamment de la forme de protestation, le gouvernement a désigné les manifestants, comme étant des agitateurs, des émeutiers et des voyous, et les a considéré comme ne faisant pas partie du peuple iranien. Les manifestants sont des Iraniens, mais pas de la nature des dirigeants. Ce sont des gens qui ont souffert et qui ont faim, des gens humiliés et opprimés, des gens qui ont essayé de critiquer, de réformer et de manifester dans toutes les formes possibles, et qui maintenant réclament justice dans les rues.
Les dirigeants annoncent que la manifestation est un droit du peuple. Mais nous ne nous souvenons pas d’une seule manifestation, ni même une critiques qui n’ait pas été réprimée par le gouvernement. Le gouvernement a montré qu’il ne tolérait pas les plus pacifiques des protestations et que même aux manifestations silencieuses, il répondait par des balles.
Le président menace de poursuivre les manifestants qui lors d’une action civile ont arrêté leurs voitures dans les rues, et vante les mérités des outils et caméras de contrôle et de surveillance à l’encontre de la population. Il faut lui demander, qu’en tant que protecteur des droits de la nation (et non du gouvernement), a-t-il un contrôle sur la gâchette des armes qui ont ouvert le feu sur la nation ou dispose-t-il des moyens de contrôle et de surveillance dans les cellules des unités sécuritaires où les corps blessés des jeunes de cette patries ont été enchainés et torturés ?
Le chef du pouvoir judiciaire menace les manifestants de lourdes peines et d’un traitement radical, mais pas un mot concernant une poursuite ou une punition à l’encontre de ceux qui ont ouvert le feu sur la population. Peut-on imaginer ou croire en l’existence d’une justice ou d’un respect du droit dans un tel système?
Le massacre d’un peuple souffrant et qui en ont assez de la répression est si brutal et violent qu’il ne peut être justifié par aucune excuse de la part du gouvernement, il n’existe qu’une seule demande admissible : Il s’agit de la punition des auteurs du massacre de la population sans défense et ceci doit devenir une demande générale.
L’histoire n’a pas servi de leçon aux tyrans. La répression de chaque protestation à divers moments de l’histoire de ce pays, est devenu le terrain pour la formation de manifestation et protestation ultérieurs plus fortes, ainsi que des protestations ultérieures, ainsi la forme et l’étendue des prochaines protestations dépendent de la façon dont le système agit avec les protestataires actuellement. Narges Mohammadi / le 2 décembre / Prison d’Evin
Source: https://humanrightsinir.org/letter-26/

