POINT DE VUE : « Brisons le silence sur les exécutions en Iran »

« Avec 850 exécutions depuis le début de l’année, l’Iran continue de souiller les pages de l’histoire contemporaine en versant le sang des siens, dans un silence international assourdissant». Dix personnalités françaises appellent dans Ouest-France le Président de la République à exiger l’arrêt des peines capitales en Iran. Parmi elles, Ingrid Betancourt, Élisabeth Badinter, Jean Ziegler, Dominique Attias…

Manifestation en novembre 2022, dans la ville de Zahedan, pour protester contre l’arrestation et la mort de Mahsa Amini, une jeune femme de 22 ans. Ces manifestations ont provoqué un regain de répression de la part du régime.
Manifestation en novembre 2022, dans la ville de Zahedan, pour protester contre l’arrestation et la mort de Mahsa Amini, une jeune femme de 22 ans. Ces manifestations ont provoqué un regain de répression de la part du régime. | AFP

« L’Iran continue de souiller les pages de l’histoire contemporaine en versant le sang des siens, dans un silence international assourdissant. Avec 850 exécutions depuis le début de l’année, ce pays bat tristement le record mondial des exécutions par nombre d’habitants. Ce chiffre glaçant n’est pas une statistique : il reflète des vies brisées, des histoires effacées, mais aussi des noms de héros qui resteront gravés à jamais.

Parmi les plus récents condamnés à mort, six hommes courageux : Mohammad Taghavi, 58 ans, déjà emprisonné dans les années 1980 et 1990 ; Ali Akbar Daneshvarkar, 57 ans, ingénieur en génie civil ; Babak Alipour, 33 ans, diplômé en droit ; Vahid Bani-Amerian, 32 ans, titulaire d’un master en gestion ; Pouya Ghobadi, 32 ans, ingénieur en électricité ; et Abolhassan Montazer, 65 ans, architecte, lui aussi déjà emprisonné dans les années 80, et atteint de maladies chroniques. Leur crime ? Militer pour les Moudjahidine du Peuple d’Iran (OMPI). En dehors de chefs d’accusation absurdes, ils sont en réalité condamnés à la peine capitale pour délit d’opinion, pour appartenir à une organisation qui lutte pour la démocratie et la liberté face à une dictature répressive.

Ces condamnations ne sont pas isolées. Trois autres militants, Behrouz Ehsani, Mehdi Hassani, et Mohammad Javad Vafaï, attendent leur exécution depuis deux mois pour les mêmes raisons. A cela s’ajoutent six jeunes du quartier Ekbatan à Téhéran, accusé de « guerre contre Dieu et l’État », pour avoir participé aux manifestations déclenchées par la mort de Jina Mahsa Amini en 2022, où deux jeunes opposantes kurdes, qui attendent dans le couloir de la mort : Varicheh Moradi et Bakhshan Azizi. La liste est longue et comprend de nombreux opposants de la minorité Baloutche.

Ces verdicts implacables témoignent, sans le vouloir, du courage qui, à travers trois générations, persiste à résister au prix de tout sacrifice. Peut-être que si la communauté internationale avait réagi aux massacres des années 1980 à 1988, de militants de l’OMPI et d’autres opposants exécutés – qualifiés de génocide par le rapporteur spécial de l’ONU pour les droits de l’homme en Iran – les autorités du régime et son appareil judiciaire, n’auraient pu se prononcer ainsi sans crainte d’être sanctionnées.

Faire pression pour sauver les vies en danger

Ces six récentes condamnations reflètent la répression acharnée contre l’OMPI, mais aussi la peur d’un régime aux abois, conscient que la résistance intérieure grandit malgré les persécutions et la désinformation. Ce régime craint en effet un réveil de la population excédée par tant d’injustice et d’oppression, et l’explosion d’un soulèvement, dirigé par les unités de résistance qui émergent à travers le pays.

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Débattez !

L’Iran des mollahs est affaibli. Il démontre sa faiblesse à travers ces condamnations. Il faut lui faire pression, lui signifier que nous sommes vigilants. Nos médias se sont réjouis à juste titre de la libération d’un célèbre rappeur. Bien qu’il s’agisse d’une libération sous caution, elle est le fruit de la médiatisation. Le régime a montré dans d’autres cas qu’il craint l’opinion internationale. Pourtant, nos médias confondent souvent les priorités dans la tyrannie du buzz, et la gravité de certains enjeux est ignorée, comme ces condamnations à mort qui passent sous silence.

La priorité est claire pour ceux et celles qui subissent l’oppression : sauver les vies en danger. Chaque mardi, des prisonniers politiques en grève de la faim, dispersés dans 25 prisons iraniennes, dénoncent ces condamnations inhumaines. Leur courage appelle à une solidarité internationale. La France, en tant que terre des droits humains et de l’abolition de la peine de mort, ne peut rester spectatrice. À l’approche de la Journée internationale des droits de l’Homme, l’appel lancé par 700 maires de France, exigeant la fin de cette barbarie et l’abolition de la peine de mort en Iran, résonne avec force.

Nous appelons le Président de la République, à agir avant qu’il ne soit trop tard. En prenant fermement position, la France enverra un message clair : exiger l’arrêt des peines capitales en Iran et montrer que l’ère de l’impunité pour les violations des droits humains est révolue. La France doit aussi initier un processus visant à traduire les responsables iraniens devant la justice internationale, comme recommandé par le dernier rapport de l’ONU. Elle doit conditionner ses relations avec cette dictature religieuse à la fin des exécutions.

Ce combat est une question de valeurs universelles. La liberté et la dignité humaine ne peuvent être sacrifiées sur l’autel des intérêts. En agissant, la France prouvera qu’elle reste fidèle à ses valeurs.»

Signataires :

Dominique Attias, Présidente du Conseil d’Administration de la Fondation des Avocats Européens, ancienne Présidente de la Fédération des Barreaux d’Europe; Élisabeth Badinter, Philosophe; Patrick Baudouin, avocat et Président d’honneur de la LDH et de la FIDH; Pierre Bercis, Président des Nouveaux Droits de l’Homme; Ingrid Betancourt, autrice, ancienne sénatrice; Jean-Pierre Brard, parlementaire honoraire, président du Comité Français pour un Iran Démocratique (CFID); Jean-François Legaret, président de la Fondation d’Etudes pour le Moyen-Orient (FEMO); Jean-Pierre Mignard, avocat et essayiste; Gilbert Mitterrand, Président de Fondation Danielle-Mitterrand France-Liberté; Jean Ziegler, sociologue, ancien rapporteur spécial de l’ONU.

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