Khavaran, le cimetière qui défie l’oubli : la mémoire des victimes de 1988 face à la répression

Chaque année, le premier vendredi d’Azar ramène les familles des victimes du massacre de 1988 à Khavaran, ce lieu devenu le symbole d’une résistance silencieuse et tenace. Malgré les décennies, malgré la répression, elles reviennent, portant en elles les souvenirs de leurs enfants, de leurs frères, de leurs sœurs, dont les vies ont été brisées par une vague de répression d’une rare violence.

Les mères et les pères arrivent souvent avec une photo glissée dans un vêtement, un objet familier, ou une rose rouge qu’ils déposent sur les tombes anonymes. Leur message est toujours le même : « Nous ne pardonnons pas, nous n’oublions pas. »

Cette année, l’accès à Khavaran a été encore plus strict. Les murs ont été renforcés, les entrées surveillées, les ordres aboyés : « Carte d’identité ! Famille directe uniquement ! Pas de groupe, pas de fleurs, pas de caméras ! » Le régime a transformé ce lieu de recueillement en une zone militarisée, comme si le simple fait de se souvenir était une menace pour son pouvoir.

Face à ces interdictions, les familles sont restées silencieuses devant les grilles fermées. Puis, une mère a sorti de son sac des roses rouges et les a posées sur le sol, devant l’entrée interdite. D’autres l’ont imitée. En quelques minutes, la grille s’est couverte de fleurs, un tapis de résistance qui défiait les agents chargés d’empêcher le deuil.

Ce geste, simple et puissant, a redéfini l’espace et le sens du mémorial. Si le régime ferme les portes, les familles créent un nouveau lieu de mémoire. Si on leur interdit les fleurs, elles en font un jardin sur l’asphalte. Si on leur refuse le droit de pleurer, elles pleurent ensemble, dans la rue, devant les murs.

Khavaran n’est plus seulement un cimetière. C’est un événement vivant, un acte de résistance qui se renouvelle chaque année. Les fleurs déposées à l’extérieur des murs sont une déclaration politique : le régime peut ériger des barrières, installer des caméras, recouvrir la terre de béton, mais il ne pourra jamais tuer la mémoire.

Les familles des victimes du massacre de 1988 ont montré que la mémoire collective est plus forte que la répression. Chaque rose, chaque geste, chaque image partagée sur les réseaux sociaux tisse un lien entre les générations, un pont entre les héros que le régime a tenté d’effacer et les jeunes qui refusent l’oubli.

Ce qui s’est passé devant Khavaran n’était pas seulement l’échec d’une opération policière. C’était un moment de profonde humiliation pour un régime qui a bâti son pouvoir sur la répression et la manipulation de l’histoire. Les familles des victimes ont prouvé qu’aucune force ne peut déraciner une mémoire enracinée dans la justice, l’amour et la persévérance.

Tant que ces mères et ces pères resteront debout, Khavaran perdurera. Que ce soit dans la terre, dans la conscience collective ou dans les roses rouges qui fleurissent désormais derrière ses murs, Khavaran parle plus fort que jamais.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *