Colloque à l’Assemblée nationale : la situation en Iran au cœur des préoccupations humanitaires et démocratiques

Un colloque consacré à la situation actuelle en Iran et aux perspectives de sortie de crise s’est tenu au Palais Bourbon, à l’Assemblée nationale française, sous la présidence de la députée Christine Arrighi. Cette rencontre a réuni des parlementaires, d’anciens responsables politiques, des juristes, des chercheurs et des défenseurs des droits humains, autour d’un constat partagé : l’aggravation dramatique de la répression en Iran et le recours massif à la peine de mort comme instrument de terreur.

Dès l’ouverture des échanges, Christine Arrighi a placé les discussions sous le signe de l’urgence humanitaire, rappelant l’ampleur inédite des exécutions. Selon les chiffres évoqués lors du colloque, près de 1 950 personnes auraient été exécutées depuis le début de l’année 2025, dont 336 pour le seul mois de novembre, illustrant une escalade sans précédent.

Refuser les faux choix et affirmer une alternative démocratique

Les intervenants ont souligné la nécessité de dépasser les alternatives réductrices souvent proposées dans le débat international : ni l’ingérence militaire, ni la complaisance diplomatique, ni le retour à des formes autoritaires du passé ne peuvent répondre à la crise actuelle. À l’inverse, plusieurs prises de parole ont défendu l’idée d’un changement issu de l’intérieur de la société iranienne, porté par la mobilisation populaire malgré une répression systématique.

Invitée à s’exprimer lors de cette rencontre, Maryam Radjavi, figure de l’opposition démocratique iranienne, a structuré son intervention autour de trois dynamiques centrales : la terreur d’État, l’effondrement socio-économique et une intense propagande destinée à délégitimer toute alternative démocratique. Elle a souligné que la peine de mort, y compris lorsqu’elle n’est pas explicitement politique, sert avant tout à prévenir tout soulèvement en instaurant un climat de peur généralisée.

Elle a également évoqué les formes de résistance civile qui persistent, y compris au sein des prisons, où des détenus se mobilisent de manière répétée contre les exécutions, au prix de lourds sacrifices.

Un pays au bord de la rupture

Au-delà des chiffres, Maryam Radjavi et plusieurs intervenants ont décrit un pays confronté à une crise profonde : inflation massive, appauvrissement généralisé, détournement des ressources publiques et dégradation accélérée des infrastructures. Les pénuries d’eau, les coupures d’électricité, la baisse des capacités énergétiques et la pollution de l’air ont été présentées comme les signes d’un État fragilisé jusque dans ses fonctions essentielles.

Sur le plan international, elle a salué l’adoption récente d’une résolution de la Troisième Commission de l’Assemblée générale des Nations unies faisant explicitement référence aux crimes de masse commis à la fin des années 1980, y voyant un signal important pour la lutte contre l’impunité.

Relations avec l’Occident et exigence de cohérence

Concernant les relations avec les pays occidentaux, Maryam Radjavi a dénoncé une politique de concessions qu’elle a attribuée à des intérêts économiques et à des stratégies de chantage fondées sur les menaces sécuritaires et les prises d’otages. Elle a appelé à une rupture claire avec ces pratiques et à un soutien assumé au peuple iranien et à ses aspirations démocratiques, dans le respect du droit international.

Les principes mis en avant au cours des échanges incluent la séparation de la religion et de l’État, l’égalité entre les femmes et les hommes, le pluralisme politique, l’abolition de la peine de mort et l’engagement en faveur d’un Iran non nucléaire.

La peine de mort, indicateur d’un pouvoir fragilisé

Le député Hervé Saulignac a rappelé la continuité d’un engagement parlementaire transpartisan en faveur des droits humains en Iran, inscrit selon lui dans un devoir républicain de solidarité internationale. Il a souligné que la multiplication des exécutions révèle la peur d’un pouvoir en perte de légitimité, qui recourt à la peine capitale pour tenter de contenir la contestation.

Il a également mis en garde contre les campagnes de désinformation et de diffamation visant les opposants iraniens et leurs soutiens à l’étranger, dénonçant des pressions et intimidations répétées. Ces manœuvres, a-t-il estimé, témoignent de l’incapacité des autorités iraniennes à faire taire une contestation enracinée dans la société.

Vigilance face à la désinformation et aux ingérences

Le député Patrick Hetzel, ancien ministre, a pour sa part souligné l’ampleur du combat mené par le peuple iranien contre une dictature imposée au nom de la religion. Il a rappelé l’engagement ancien de plusieurs parlementaires français sur ce dossier et mis en garde contre les campagnes de diabolisation destinées à discréditer l’opposition démocratique et à décourager les soutiens internationaux.

Il a appelé à une vigilance accrue face aux tentatives d’ingérence, aux menaces et aux opérations de déstabilisation attribuées au régime iranien hors de ses frontières.

Laïcité, sécurité régionale et risque nucléaire

Ancien secrétaire d’État, Alain Vivien a replacé la situation iranienne dans un contexte régional instable, insistant sur l’urgence du dossier nucléaire et sur les risques qu’une escalade ferait peser sur la sécurité internationale. Il a également dénoncé l’instrumentalisation du religieux à des fins de domination politique, rappelant que la laïcité constitue un principe protecteur des libertés fondamentales.

Les femmes, cibles et actrices du changement

La question des femmes a occupé une place centrale dans plusieurs interventions. Dominique Attias a rappelé l’attachement de nombreux acteurs français aux principes universels des droits humains et à l’égalité femmes-hommes. Elle a décrit la répression spécifique subie par les femmes iraniennes, tout en soulignant leur rôle moteur dans les mobilisations pour la liberté et la dignité.

Mémoire, justice et lutte contre l’impunité

Dans un registre plus mémoriel et politique, Jean-Pierre Brard a interprété la multiplication des exécutions comme un signe de faiblesse destiné à terroriser la population. Il a dénoncé le décalage entre la réalité iranienne et sa perception en Europe, tout en alertant sur la dimension extraterritoriale des menaces visant les opposants.

Gilbert Mitterrand a insisté sur la nécessité de faire progresser la justice internationale face aux crimes commis depuis plusieurs décennies. Il a rappelé l’importance de ne pas céder aux tentatives d’intimidation et de préserver la tradition française d’asile et de protection des personnes persécutées.

Répression judiciaire et guerre informationnelle

L’avocate Sara Nouri a apporté une analyse juridique centrée sur l’usage de procédures judiciaires instrumentalisées et de campagnes de désinformation. Elle a décrit ces mécanismes comme des outils destinés à intimider la société iranienne, à dissuader la diaspora de toute mobilisation pacifique et à exercer des pressions sur les pays d’accueil.

Elle a également alerté sur l’ampleur des offensives numériques visant à fabriquer de faux récits et à affaiblir toute alternative démocratique crédible.

L’ensemble des interventions a convergé vers une conclusion claire : face à l’escalade des exécutions et à la crise globale que traverse l’Iran, il est impératif de replacer les droits humains, et en particulier l’abolition de la peine de mort, au cœur des politiques internationales. Le soutien à une transition démocratique, laïque et respectueuse des libertés fondamentales, portée par le peuple iranien lui-même, apparaît comme la seule voie durable pour sortir de l’impasse.

La conférence s’est conclue par un moment culturel, avec un récital du maître iranien de tar Hamidreza Taherzadeh, offrant au public un temps de recueillement et rappelant que la culture, au même titre que la défense du droit à la vie, demeure un espace essentiel de résistance et d’espoir face à l’oppression.

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