Place de la Bastille : une exposition pour briser l’omerta sur le drame de 1988 en Iran

Il y a un peu plus d’un an maintenant, le fils de l’ayatollah déchu Ali Montazeri publiait des documents audio qui incriminaient de nombreux membres du gouvernement iranien pour le meurtre de 30 000 opposants politiques en 1988. Cette révélation a grandement secoué la société iranienne.
Malgré la disparition de dizaines de milliers de prisonniers politiques, malgré le nombre de documents et témoignages rapportant l’horreur de ce massacre, le régime iranien a fait son possible, pendant près de quatre décennies, pour dissimuler au peuple iranien l’ampleur de ses exactions, et la plupart des familles sont restées ainsi sans nouvelles du sort de leurs proches et de leurs dépouilles.
Alors que l’élection de Hassan Rohani dès 2013 était faussement prometteuse en terme de droits humains, les exécutions capitales, plus de 3000 en quatre ans de mandat, et violations de droits humains de toutes sortes ont gravement empiré. Le dernier rapport d’Amnesty International à ce sujet, le 2 août dernier, souligne notamment à quel point les citoyens iraniens sont empêchés de se battre pour ces mêmes droits de l’homme, faisant état d’une « répression virulente contre les défenseurs des droits humains depuis l’accession d’Hassan Rohani à la présidence en 2013, diabolisant et emprisonnant les militants qui osent se battre pour les droits des citoyens. »

Amnesty cite entre autres le cas de Raheleh Rahemipour, qui se débattait pour retrouver sa nièce née en prison et disparue après que ses parents, des opposants politiques, aient été exécutés en 1984. Elle a été condamnée a un an de prison pour ne pas avoir respecté l’omerta qui lui était imposée, en manifestant avec une pancarte sur laquelle était écrit « Vous avez tué mon frère. Qu’avez-vous fait de son enfant ? ». Au regard du droit international, une disparition forcée est considérée comme un crime contre l’humanité, protégé par la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées de l’ONU, en vigueur depuis fin 2010. Souvent, une telle incertitude est plus douloureuse à vivre pour des proches qu’un assassinat.

Dans le sillage de la 36e session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, et alors que pour la première fois, le rapport de la rapporeuse spéciale de l’ONU sur la situation des droits de l’homme en Iran, Mme Asma Jahangir, réclame une enquête indépendante sur ce crime, une importante conférence a eu lieu à ce sujet. Tenue au siège européen de l’ONU à Genève le 14 septembre, elle était organisée par un groupe d’ONG, dont France-Libertés-Fondation Danielle Mitterrand, et le Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples (MRAP) et la Women’s Human Rights International Association (WHRIA).

Les défenseurs des droits de l’homme présents à cette conférence ont souhaité s’appuyer sur le dernier rapport de Mme Jahangir pour déclencher une enquête internationale et indépendante de l’ONU. Il est absolument exclu que le régime iranien mène lui-même cette enquête, puisqu’une majorité de responsables de ce crime contre l’humanité y occupent toujours les plus hautes sphères. Pour Rama Yade, ancienne secrétaire d’État aux droits de l’homme engagée pour la liberté en Iran, les considérations politiques et économiques qui bloquent aujourd’hui l’action de la communauté internationale devraient n’être que secondaires, étant donné que des outils existent pour mener à bien une enquête, à commencer par les sanctions économiques.

Aujourd’hui, les instances internationales commencent à peine à parler des exécutions d’opposants politiques en Iran : pour espérer que la situation des droits de l’homme s’améliore un jour au pays des mollahs, l’omerta doit être brisée définitivement, et l’ONU doit agir pour que les crimes contre l’humanité ne restent pas à jamais impunis.