
L’Iran est-il au bord d’une catastrophe silencieuse ?
Une chaîne d’opérations secrètes, de répression systématique, d’enlèvements silencieux et de menaces ouvertes par des responsables de la sécurité et de la justice indique que des violations des droits de l’homme plus qu’isolées se produisent. Les événements rapides récents — de l’enlèvement et du transfert de prisonniers politiques vers des lieux inconnus à la torture psychologique et aux menaces de mort révèlent que la machine de répression a lancé une nouvelle phase d’élimination physique.
Derrière des portes closes, au-delà de l’attention des médias, sous une étroite surveillance de sécurité et dans les murs de prisons comme celles d’Evine, Qezel Hesar, Fashafouyeh et Qarchak, le régime prépare le terrain pour une autre vague d’élimination massive. La stratégie fait écho aux horreurs du massacre de 1988 ; cette fois, sous un contrôle médiatique plus serré et un silence plus profond.
Si le monde reste à nouveau silencieux, ce qui sera répété n’est pas seulement un crime mais une complicité dans sa commission.
Le retour des exécutions silencieuses : échos de 1988
Ces derniers mois, des centaines de prisonniers politiques, idéologiques et issus de minorités ethniques ont été transférés dans des prisons telles que Fashafouyeh et Qarchak. Beaucoup se sont vu refuser des appels téléphoniques, l’accès à un avocat, un traitement médical et même des informations de base sur leur localisation. Cela reflète le schéma exact des disparitions forcées et des transferts clandestins qui ont conduit au massacre de milliers de prisonniers en 1988.
L’enlèvement d’Ali Younesi avant le début de la récente guerre montre clairement que la revendication du régime de « protéger les détenus en temps de guerre » est un simple prétexte. Saeed Massouri, prisonnier politique depuis 25 ans, a explicitement averti :
« Il y a un risque réel que la même voie soit suivie ; seulement avec de nouveaux mots et méthodes. »
Structures de commandement informelles et la « licence pour tuer »
Alors que le « Comité de la mort » de 1988 était composé de représentants du système judiciaire et des services de renseignement, aujourd’hui le régime a délégué ces décisions d’exécutions à des organes non officiels sous le slogan « Licence d’agir librement » (Atash be Ekhtiyar), rendant la structure de l’élimination physique encore plus opaque.
Les déclarations de religieux et de responsables intransigeants révèlent une vérité glaçante : le régime est fier des meurtres de 1988 et justifie ouvertement aujourd’hui des actions similaires.
Hossein Taeb, conseiller actuel de Khamenei, a déclaré :
« Si nous n’avions pas agi en 1988, la révolution aurait été détruite. Nous devons également agir de manière décisive contre les séditionnistes d’aujourd’hui. »
Ahmad Khatami, le chef de la prière du vendredi à Téhéran, a insisté :
« La justice divine doit être exécutée contre les émeutiers. »
Dans un document officiel, l’agence de presse Fars a défendu les exécutions de manifestants :
« Nous ne devons pas nous abstenir de mettre en œuvre la punition divine contre ceux dont les mains sont tachées de sang innocent. Tout comme nous avons agi de manière décisive en 1988, nous ne devons montrer aucune pitié aujourd’hui. »
Hosseini Hamedani a déclaré à la télévision d’État :
« Les conditions d’aujourd’hui ressemblent étroitement aux années 1980 ; surtout 1988. »
Ces déclarations confirment que le discours officiel du régime ouvre la voie à une nouvelle logique de criminalité menée par l’État.
Une chaîne d’événements – Préparation à l’atrocité
L’enlèvement d’Ali Younesi
La disparition de Younesi s’est produite quelques jours avant le début de la guerre, sans aucun lien avec des préoccupations présumées en matière de sécurité. Cela expose la justification du régime — selon laquelle les transferts sont pour la sécurité des prisonniers ; comme un mensonge flagrant.
Ali Younesi, un étudiant de premier plan et prisonnier politique, a été enlevé dans le quartier 4 de la prison d’Evin le 17 juin 2025. L’opération a été violente et réalisée sans informer son avocat ou sa famille. Son lieu de séjour reste inconnu.
Simultanément, son père âgé Mir Youssef Younesi, lui-même ancien prisonnier politique, a également été transféré dans un lieu inconnu sans explication. Les autorités n’ont fourni aucune responsabilité ni communication.
Cette affaire est un exemple classique de disparition forcée en droit international ; un crime grave selon la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.
Bijan Kazemi et les maisons sûres : un meurtre légal dans l’ombre
Fin juin 2025, Bijan Kazemi, un manifestant et ancien membre d’une famille en quête de justice, a été arrêté devant chez lui à Téhéran et emmené dans une maison sécurisée à Qom. Il aurait été sévèrement battu. Des images de son visage meurtri et des signes de torture ont ensuite été partagées en ligne.
Quelques jours plus tard, les forces de sécurité ont fait une descente chez sa mère âgée à Zanjan et l’ont également transférée à Qom. La famille n’avait aucune information sur son état ou son emplacement pendant sa détention.
L’utilisation de « maisons d’hébergement » en dehors de tout contrôle judiciaire, sans accès légal à un avocat, constitue non seulement une détention illégale mais viole également l’article 9 du PIDCP (Pacte international relatif aux droits civils et politiques).
Disparitions forcées – Un schéma systématique
D’autres cas au cours des dernières semaines montrent une tendance claire et organisée. Des prisonniers politiques, des détenus kurdes et arabes, ainsi que des militants civils ont été transférés de force sans préavis depuis les prisons d’Evin, Qezel Hesar et Rajaei Shahr.
L’accès téléphonique bloqué, le refus de confirmer le statut de prisonnier et l’intimidation des familles marquent un changement plus large des violations individuelles à la répression systématique. Dans ces conditions, le risque de torture, d’aveux forcés et d’exécutions secrètes augmente de manière alarmante.
Vague d’exécutions : Élimination physique sous silence
Parallèlement aux disparitions, de multiples rapports vérifiés indiquent une nouvelle recrudescence des condamnations à mort et des exécutions ; en particulier contre les prisonniers politiques au Kurdistan, au Khouzistan et à Téhéran.
Des dizaines ont été condamnés à mort sur la base d’accusations vagues telles que « collaboration avec l’ennemi » ou « corruption sur terre ». Les agences de sécurité tentent de justifier ces actions avec des récits fabriqués, tandis que les procédures judiciaires manquent de toute transparence et légitimité.
Beaucoup ont été placés en isolement cellulaire en préparation d’exécutions imminentes, les familles ayant été averties de ne pas parler publiquement; sous la menace de représailles.
Cela montre que la disparition n’est qu’une première étape, le but ultime du régime est l’élimination physique. Le silence international ne fait qu’alimenter la machine de la mort.
Analyse juridique
Les actions ci-dessus représentent des violations de multiples normes internationales contraignantes :
- Article 9, PIDCP – Détention arbitraire
- Article 7, PIDCP – Torture et traitement inhumain
- Refus d’une procédure régulière et de l’accès à un avocat
- Convention contre les disparitions forcées
De tels actes, en particulier lorsqu’ils sont généralisés et systématiques, constituent des crimes contre l’humanité au regard du droit international.
Conclusion préliminaire
Ce n’est que le début d’une catastrophe dont la portée totale reste à émerger. Si la communauté internationale tarde à nouveau, le régime au pouvoir réussira dans son projet d’élimination physique ; cette fois sous un silence total.
Dans la prochaine partie : nous aborderons les conséquences de l’attentat à la bombe dans la prison d’Evin, l’enlèvement de Saeed Massouri, les grèves de la faim en prison et l’humiliation des familles de prisonniers politiques.
À suivre…
