Expansion du mouvement de protestation des prisons en Iran contre les exécutions

La campagne « Les Mardis sans Exécutions », lancée le 28 janvier 2024 à la prison de Qezel Hesar, est devenue la plus vaste et la plus persistante protestation des prisonniers politiques contre la politique d’exécutions massives du régime iranien. Ce rapport présente un aperçu de 86 semaines de grèves de la faim dans 52 prisons, mettant en lumière les origines, l’expansion ainsi que les dimensions juridiques, sociales, humaines et internationales de ce mouvement.

Origines et Expansion

Le mouvement a commencé après les exécutions de Mohammad Ghobadlou et Farhad Salimi. Une semaine plus tard, les prisonniers politiques du quartier 4 de Qezel Hesar se sont mis en grève de la faim, choisissant le mardi comme jour symbolique de protestation — car le régime transfère généralement les prisonniers condamnés à mort en isolement le lundi soir et les exécute à l’aube du mardi.

Ce qui a débuté à Qezel Hesar s’est rapidement propagé à d’autres établissements : Evin, l’aile des femmes d’Evin, Karaj Central, Tabriz, Mashhad et Saqqez. En moins de deux ans, la campagne s’est étendue à 52 prisons, devenant l’une des protestations collectives les plus vastes de l’histoire carcérale iranienne.

Liste des Prisons Actives

Evin, Qezel Hesar, Karaj Central, Karaj Ferdows, Grand Téhéran, Qarchak, Khorin Varamin, Choubindar Qazvin, Ahar, Arak, Khorramabad, Yasouj, Asadabad Ispahan, Dastgerd Ispahan, Sheiban Ahvaz, Sepidar Ahvaz (femmes et hommes), Nezam Shiraz, Adelabad Shiraz (femmes et hommes), Firouzabad Fars, Dehdasht, Zahedan (femmes), Borazjan, Ramhormoz, Behbahan, Bam, Yazd, Kahnooj, Tabas, Mashhad, Sabzevar, Gonbad Kavous, Qaem Shahr, Rasht (femmes et hommes), Roudsar, Haviq Talesh, Azbarm Lahijan, Dizel Abad Kermanshah, Ardabil, Tabriz, Urmia, Salmas, Khoy, Naqadeh, Miandoab, Mahabad, Boukan, Saqqez, Baneh, Marivan, Sanandaj, Kamyaran et Langroud Qom.

Mécanismes de Protestation et Rôle des Familles

La campagne se maintient par des grèves de la faim hebdomadaires et des déclarations collectives. Chaque mardi, les prisonniers publient des messages condamnant les exécutions et appelant à poursuivre la résistance.

Les familles — en particulier les mères — jouent un rôle crucial. Malgré les menaces d’arrestation et la perte du droit de visite, elles se rassemblent chaque semaine devant les prisons avec des pancartes « Non aux exécutions ». Leur présence crée un lien vital entre les murs de la prison et la société.

Témoignage d’une mère :
« Chaque mardi, quand je sais que mon fils refuse de s’alimenter, mon cœur tremble. Mais en lisant qu’il est, avec des dizaines d’autres, une voix de protestation, je ressens de la fierté. »

Soutien National et International

La voix des prisonniers a rapidement trouvé un écho mondial :

  • Javaid Rehman, ancien Rapporteur spécial de l’ONU : « Nous devons tous tenter d’avoir le courage de ceux qui ont lancé ces protestations à Qezel Hesar. »
  • Mai Sato, Rapporteur spécial actuel : « Cette campagne illustre un engagement inébranlable envers la justice et les droits humains. »
  • Neuf lauréats du Prix Nobel de la paix (octobre 2024) ont demandé l’arrêt immédiat des exécutions.
  • 114 députés belges et 580 maires français ont publié des déclarations de soutien.
  • Les ministres des Affaires étrangères d’Allemagne, de France et des États-Unis ont exprimé leur solidarité.

En Iran, 11 associations d’enseignants ont publié une déclaration commune de soutien, et des étudiants emprisonnés comme Ali Younesi et Amir Hossein Moradi se sont exprimés en faveur de la campagne.

Martyrs et Réactions des Prisonniers

Les exécutions secrètes des prisonniers politiques Behrouz Ehsani et Mehdi Hassani à l’été 2025 ont marqué un tournant. Leurs dernières paroles — « Nous ne marchandons pas nos vies avec le bourreau ; nous les offrons pour la liberté » — sont devenues un slogan durable de résistance.

Déclaration des prisonniers après les exécutions :
« Le sang de Behrouz et de Mehdi prouve la légitimité de notre campagne. Le régime a voulu nous effrayer, mais leurs voix se sont amplifiées. »

Saeed Massouri, le plus ancien prisonnier politique d’Iran, a écrit :

« Le jour de Noël, le régime a exécuté 25 prisonniers. C’était leur message ensanglanté. Mais nous aussi avons un message : tant que nous respirons, nous continuerons nos grèves de la faim du mardi pour montrer que la vie et la liberté ne peuvent être étouffées par la corde. »

Le transfert soudain de l’étudiant Ali Younesi vers un lieu inconnu a suscité une vague d’inquiétude et de protestations, qualifié de disparition forcée. Quelques semaines plus tard, il a été localisé à Qezel Hesar, mais l’affaire reste un symbole de la pression accrue sur les détenus politiques.

Analyse Juridique

La campagne met en évidence des violations systématiques du droit international :

  1. Droit à la vie — Article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP).
  2. Droit à un procès équitable — Article 14 du PIDCP.
  3. Interdiction de la torture — Convention contre la torture (CAT).
  4. Disparition forcée — Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

De plus, le refus de soins médicaux, l’isolement prolongé et le non-respect des règles de séparation des prisonniers violent les Règles Nelson Mandela des Nations Unies pour le traitement des détenus.

Impact Humain et Social

Pour les familles, le mardi est à la fois source d’angoisse et de fierté : la crainte pour la santé de leurs proches, mais aussi l’honneur de leur courage. Les rassemblements hebdomadaires amplifient cette dimension humaine.

Au-delà des prisons, les mardis sont devenus un symbole national de résistance. Après l’exécution du prisonnier politique Mehran Bahramian à Semirom, les commerçants locaux se sont mis en grève, montrant que la voix des prisonniers a gagné la rue.

Derniers Développements — Semaine 86

Le mardi 16 septembre 2025, les prisonniers de 52 prisons ont marqué la 86ᵉ semaine de la campagne. Leur déclaration affirmait :

  • Nous honorons la mémoire de Jina (Mahsa) Amini et de toutes les victimes des manifestations nationales de 2022.
  • Nous commémorons également Navid Afkari, exécuté le 12 septembre 2020, dont le nom reste un symbole de défi.
  • Nous condamnons fermement les condamnations à mort de Pezhman Toubere Rizi (accusé de « corruption sur terre » sur la base de charges fabriquées) et de Naser Bakrzadeh, prisonnier politique kurde, et appelons la communauté internationale à s’opposer à ces verdicts illégaux.

Extrait de la déclaration :
« Au cours des trois dernières années, plus de 3 175 personnes ont été exécutées — dont 49 prisonniers politiques ou idéologiques et 95 femmes. Rien que la semaine dernière, 34 exécutions ont eu lieu. Cette catastrophe permanente souligne l’urgence d’une action internationale. »

Conclusion et Appel à l’Action

La campagne « Les Mardis sans Exécutions » est devenue le symbole du mouvement de protestation croissant des prisons d’Iran contre la machine de mort du régime. Elle prouve que même sous la torture et sous l’ombre de la potence, une voix collective de défi peut résonner dans le monde entier.

Appel final :
Nous demandons au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, au Parlement européen et aux gouvernements démocratiques de lancer des enquêtes urgentes et d’exercer une pression diplomatique maximale sur le régime iranien pour mettre fin immédiatement aux exécutions.

C’est une voix qui n’a pas pu être réduite au silence — et elle continuera jusqu’au jour où les chaînes seront brisées.

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