Iran : Trois prisonnières mortes après avoir été privées de soins médicaux

Human Rights WatchBeyrouth — Trois prisonnières sont mortes à la prison de Qarchak, la prison pour femmes de Téhéran tristement célèbre pour ses conditions déplorables, entre le 16 et le 25 septembre 2025, à la suite d’un refus de soins médicaux, a déclaré Human Rights Watch.

Les décès en détention de Soudabeh Asadi, Jamile Azizi et de Somayeh Rashidi, 42 ans, prisonnière politique, illustrent la violation par les autorités iraniennes du droit à la vie des détenus, en causant ou contribuant à leur mort par le déni délibéré de soins médicaux. Ces cas s’inscrivent dans une politique ancienne et systématique des autorités iraniennes, qui utilisent le refus de soins comme instrument de répression et de châtiment.

« Les prisons en Iran, en particulier celle de Qarchak, sont devenues des lieux de tourment et de mort, où la dignité et les droits fondamentaux des prisonniers sont systématiquement bafoués », a déclaré Michael Page, directeur adjoint pour le Moyen-Orient à Human Rights Watch.
« Depuis des décennies, les autorités non seulement refusent d’améliorer les conditions de détention, mais se servent du déni de droits élémentaires, comme l’accès aux soins médicaux, comme d’une arme contre les détenus. »

Les Règles minimales des Nations unies pour le traitement des détenus (Règles Mandela) imposent aux États de garantir un accès adéquat aux soins médicaux pour tous les prisonniers.

La prison de Shahr-e Rey, plus connue sous le nom de Qarchak, est réputée pour ses conditions inhumaines : insalubrité, surpopulation extrême et manque criant de soins et d’équipements de base. Les conditions y sont si alarmantes que de nombreux prisonniers ont entamé des grèves de la faim en signe de protestation. Qarchak est ainsi devenu un symbole de la violation persistante des droits humains des prisonniers en Iran.

Depuis des années, organisations de défense des droits humains, militants et experts de l’ONU alertent sur les conditions de détention dans cette prison et sur le refus de soins médicaux par les autorités. En août 2025, Human Rights Watch avait déjà tiré la sonnette d’alarme concernant la situation dramatique des détenues politiques, notamment celles transférées dans la section de quarantaine de Qarchak après l’attaque israélienne du 23 juin contre la prison d’Evin.

Parmi ces prisonnières figurait Somayeh Rashidi, arrêtée en avril 2025 pour avoir inscrit des slogans de protestation sur les murs de Téhéran, selon l’organisation HRANA (Human Rights Activists in Iran). Rashidi est décédée à l’hôpital le 25 septembre, dix jours après avoir été transférée au centre hospitalier Mofatteh de Varamin, à la suite d’une crise convulsive survenue en détention. Le même jour, l’agence judiciaire officielle Mizan a confirmé la mort d’une détenue identifiée par les initiales « S.R. ».

Des médecins ont attribué sa dégradation irréversible à un retard fatal dans sa prise en charge médicale, selon des sources citées par HRANA. En prison, Somayeh Rashidi était parfois incapable de marcher ou de s’occuper d’elle-même, mais les autorités, bien que pleinement conscientes de son état, lui ont refusé tout traitement adéquat, lui administrant à la place des sédatifs et médicaments psychiatriques qui ont aggravé ses symptômes. Lorsque sa santé s’est brutalement détériorée le 15 septembre, au point que d’autres détenues ont dû la transporter à la clinique, des responsables l’ont accusée de simuler sa maladie, ont rapporté des sources à Human Rights Watch.

Fidèles à leur stratégie de déni et de désinformation, les autorités judiciaires ont, quelques jours après sa mort, affirmé que Somayeh Rashidi souffrait d’antécédents de toxicomanie et de troubles neurologiques, et qu’elle avait reçu les soins nécessaires en prison.

Le décès de Somayeh Rashidi s’ajoute à ceux de Soudabeh Asadi, morte le 16 septembre après un refus de transfert à l’hôpital, et de Jamile Azizi, décédée le 19 septembre d’une probable crise cardiaque après que des médecins de la clinique pénitentiaire lui eurent dit qu’« elle n’avait rien » et ordonné son retour en cellule.

Une ancienne détenue de Qarchak a confié à Human Rights Watch :

« Les responsables du dispensaire m’ont renvoyée dans ma cellule malgré des douleurs thoraciques atroces, sans le moindre examen. Ils ont volontairement retardé mon transfert vers un hôpital extérieur. Ils nous exposent toutes à la mort. »

Ces trois décès s’inscrivent dans une politique documentée de longue date : celle du refus délibéré d’accès aux soins, souvent utilisée pour punir et réduire au silence les voix dissidentes. Un rapport d’Amnesty International, publié en avril 2022, détaillait déjà la mort en détention de dizaines d’hommes et de femmes dans 30 prisons iraniennes depuis 2010, à la suite de privations médicales. De nombreux cas restent non signalés, par peur des représailles.

Le 9 octobre, les autorités ont transféré plusieurs prisonnières politiques de Qarchak vers le quartier 6 de la prison d’Evin, mais des sources indiquent qu’elles y sont toujours privées de soins et de produits essentiels. La situation à Evin reste critique depuis les frappes israéliennes du 23 juin, qui ont gravement endommagé la clinique et la salle des visites.

Human Rights Watch rapporte que plusieurs prisonnières malades, dont Maryam Akbari Monfared, 48 ans, sont toujours privées d’intervention chirurgicale vitale. Malgré le transfert d’autres détenues, elle reste à Qarchak — une punition manifeste, selon l’organisation. Akbari Monfared est incarcérée depuis 15 ans pour « inimitié envers Dieu » (moharebeh), sans un seul jour de permission.

Parmi les autres prisonnières en danger figurent Warisha Moradi, militante kurde condamnée à mort à Evin, et Zeynab Jalalian, autre activiste kurde, toutes privées de soins médicaux.

Le droit international impose aux États de mener des enquêtes indépendantes, transparentes et efficaces sur les décès suspects en détention. L’Iran, fidèle à une longue tradition d’impunité, s’y refuse systématiquement, attribuant souvent les décès à des « suicides » ou à la « toxicomanie ».

Human Rights Watch appelle les autorités iraniennes à garantir sans délai un accès complet et approprié aux soins médicaux, y compris à des traitements spécialisés hors des prisons.

« La communauté internationale doit exercer une pression constante sur les autorités iraniennes pour qu’elles s’attaquent aux conditions catastrophiques que subissent les détenus, notamment à Qarchak, et assurent des soins médicaux dignes à tous les prisonniers », a conclu Michael Page.

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