Iran : Les enfants pris au piège de la violence et du silence institutionnel

À l’occasion de la Journée mondiale de prévention et de guérison contre l’exploitation, les abus et la violence sexuelle à l’encontre des enfants, une réalité dramatique demeure occultée en Iran. Alors que d’autres pays s’efforcent d’affronter ces fléaux par des dispositifs transparents et des mécanismes de protection, la situation iranienne reste marquée par un secret institutionnel, des lois discriminatoires et des structures répressives qui étouffent la vérité et empêchent toute prise de conscience collective.

Les enfants, filles et garçons, sont confrontés à une série de menaces multiples : mariages forcés légalisés, abus sexuels au sein de la famille, dans les écoles, les institutions publiques et les espaces urbains, ainsi que des violences sexuelles perpétrées contre des enfants détenus lors de manifestations. Les données disponibles révèlent que les garçons, en particulier en dehors du cadre familial, sont eux aussi exposés à un risque élevé d’abus sexuels.

L’absence de canaux sûrs pour dénoncer ces faits, la peur des représailles ou de la stigmatisation sociale, ainsi que la politique officielle de secret statistique, ont permis de dissimuler l’ampleur réelle de la crise. Ce constat, appuyé par des documents internationaux, des données officielles et des témoignages de plusieurs provinces, montre que la violence sexuelle contre les enfants en Iran n’est pas le fruit du hasard, mais résulte directement de lois inadaptées, de défaillances institutionnelles et de politiques qui laissent les enfants sans protection et sans voix.

La violence et l’exploitation sexuelles des enfants s’inscrivent dans un système où le cadre légal, les institutions de protection et les procédures judiciaires souffrent de lacunes profondes. Le mariage d’enfants, autorisé par le Code civil pour les filles de moins de 13 ans avec l’accord d’un tuteur et d’une ordonnance judiciaire, constitue un vecteur d’exploitation sexuelle. En 2022, plus de 25 900 mariages de mineures ont été enregistrés, dont près de 10 000 concernaient des filles âgées de 10 à 14 ans. Plus de 1 300 naissances ont été recensées chez des mères de moins de 15 ans, illustrant la banalisation de la grossesse infantile. Les tentatives visant à élever l’âge minimum du mariage ont été systématiquement rejetées par le Conseil des Gardiens.

L’âge de responsabilité pénale, fixé à 9 ans lunaires pour les filles et 15 ans pour les garçons, crée une contradiction fondamentale : un enfant considéré comme adulte pour être puni n’est pas protégé contre la violence sexuelle à cet âge. La loi iranienne peine à définir et à criminaliser pleinement l’exploitation sexuelle, la pornographie enfantine et la traite sexuelle d’enfants. La loi sur la protection de l’enfant adoptée en 2020 prévoit des sanctions, mais elles restent faibles et peu dissuasives. Dans de nombreux cas d’abus familiaux, il n’existe pas de mécanismes efficaces pour séparer l’enfant de l’agresseur.

Les services sociaux et l’Organisation du bien-être, souvent soumis à la pression politique, affirment que les abus sexuels ne relèvent pas de leur compétence. De nombreux dossiers sont clos sans évaluation psychologique ni intervention professionnelle. Les statistiques nationales sur les abus sexuels restent confidentielles. Les données partielles disponibles montrent que, sur 27 000 dossiers d’abus d’enfants en 2016, seuls 531 cas ont été signalés. Le secret familial, les intimidations des agences de sécurité et la peur de la stigmatisation sociale entraînent une sous-déclaration massive.

Les abus sexuels intrafamiliaux sont répandus, dissimulés et rarement sanctionnés. Les rapports de médecine légale à Téhéran indiquent que la majorité des abus se produisent à domicile, perpétrés par des pères, beaux-pères ou proches masculins. Les filles de 11 à 15 ans sont particulièrement touchées, tandis que les garçons de 6 à 10 ans sont exposés à des abus de proches ou de connaissances. La peur du déshonneur, les menaces et la pression familiale empêchent de nombreux signalements. Pour beaucoup d’enfants, le domicile devient l’environnement le plus dangereux.

Des cas documentés à Téhéran, Alborz, Ispahan et Kelardasht révèlent que des enfants de 7 à 11 ans ont été abusés sexuellement par le personnel dans des établissements publics. Le secret, la pression sur les familles et le manque de suivi judiciaire sont des schémas récurrents. Plus de 60 000 enfants des rues vivent en Iran, nombreux d’entre eux victimes d’exploitation sexuelle. Les enfants travailleurs à Téhéran, Machhad, Kermanshah et Zahedan, notamment les enfants migrants afghans non documentés, subissent des abus de la part d’employeurs, de réseaux de traite et d’adultes étrangers. Dans la majorité des cas, aucune plainte n’est déposée et aucune procédure légale n’est engagée.

Les rapports de l’ONU confirment que des garçons et filles de 12 à 17 ans détenus lors des manifestations de 2019 et 2022 ont été soumis à des menaces sexuelles, des attouchements forcés et des abus visant à extorquer des aveux. Dans certaines provinces, des cas d’usage d’objets pour agresser ont été signalés. Ces pratiques montrent que la violence sexuelle est utilisée comme outil politique contre les enfants détenus.

En ratifiant la Convention relative aux droits de l’enfant et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, l’Iran s’est engagé à prévenir, protéger, enquêter, poursuivre et assurer réparation dans les cas de violence sexuelle sur enfants. Pourtant, les lois nationales, notamment le mariage d’enfants légalisé, l’âge bas de responsabilité pénale et l’absence de criminalisation complète de l’exploitation sexuelle, violent ces obligations internationales. L’absence de mécanismes de protection immédiats, de services psychosociaux adéquats et la négligence des enfants travailleurs et migrants constituent des violations claires des devoirs de prévention et de protection. Le secret statistique, l’absence d’enquêtes impartiales et l’impunité des auteurs violent l’obligation de garantir justice et réparation. La violence sexuelle contre des enfants détenus constitue de la torture selon le droit international.

Dans tous les contextes — foyers, institutions publiques, travail des enfants, détention — se répètent les schémas suivants : négation ou minimisation officielle, menaces envers les familles, suppression d’informations et destruction de rapports, enquêtes incomplètes ou non concluantes, impunité structurelle pour les auteurs. Ces pratiques entravent toute réforme structurelle et empêchent l’accès des enfants à la justice et à la réparation.

La violence sexuelle contre les enfants en Iran — des foyers aux institutions publiques, des rues aux centres de détention — révèle un réseau de dangers enraciné dans des lois discriminatoires, des faiblesses institutionnelles et un secret systémique. Des mesures urgentes sont nécessaires : abolition complète du mariage d’enfants et instauration de 18 ans comme âge minimum, criminalisation complète de toutes les formes d’exploitation sexuelle et de pornographie enfantine, création de mécanismes indépendants et sûrs de signalement, enquêtes impartiales dans les institutions publiques et les centres de détention, mesures de protection spécifiques pour les enfants travailleurs et migrants, fourniture de services médicaux, psychologiques et sociaux de réhabilitation pour toutes les victimes. Les enfants en Iran ont besoin de visibilité, de protection et de justice — surtout lorsqu’ils ne peuvent pas parler pour eux-mêmes.

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